Edifice emblématique de la ville de Niort, le Donjon est le dernier témoin d’un ensemble fortifié dont l’histoire débute au XIIe siècle

Forteresse militaire

Retour en 1154. Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, devient roi d’Angleterre. Grâce à la dot que lui a apportée deux ans plus tôt sa nouvelle épouse Aliénor d’Aquitaine, son royaume s’étend désormais sur tout l’Ouest de la France jusqu’à l’Angleterre. Niort occupe une position stratégique. Le roi décide d’y bâtir une forteresse militaire défensive, qui assurera le pouvoir anglais sur ces terres poitevines, verrouillera les flux commerciaux et contrôlera l’activité intensive du port.

On choisit l’emplacement du château mérovingien en bois, incendié par les Normands. A partir de 1180, un imposant et austère édifice est construit. Il est entouré d’une enceinte longue de 700 mètres. Le Donjon en est le point central avec ses deux tours carrées reliées entre elles par de hautes courtines. D’architecture romane, c’est une construction de qualité, en pierres de taille ajustées à joints fins. Mais si le Donjon paraît puissant à l’extérieur, il se révèle pauvre à l’intérieur. En cette fin du XIIe siècle, on doit y vivre dans le froid, dans l’obscurité et dans l’austérité. C’est une base de repli, et rien d’autre.
Au début du XIIIe siècle, les bourgeois de Niort sont assiégés par les seigneurs poitevins des environs (Lusignan, Parthenay), qui bloquent la ville et le passage des marchandises. Le blocus dure plusieurs années et Niort est menacée de famine. Le château, qui possède ses propres voies d’approvisionnement, devient le seul lieu de ravitaillement de la ville. Il est en outre relié au fort Foucault par un pont de bois, mais sans doute aussi aux moulins fortifiés établis sur les îlots au milieu de la Sèvre.

Lieu de résidence

Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, pour faire du Donjon un lieu de résidence plus confortable, l’espace à ciel ouvert entre les deux tours est couvert et une grande salle centrale est aménagée

A la fin du XIVe siècle, alors que la ville est retournée définitivement à la couronne de France, des fenêtres sont percées ou agrandies, des cheminées sont créées dans la grande salle seigneuriale. On peint ou on enduit les murs pour cacher la pierre. Le Donjon sert de résidence aux capitaines, puis aux gouverneurs de la place forte de Niort. Il perd peu à peu sa vocation militaire.
Après avoir résisté à bien des attaques et supporté tous les sièges, il frôle de peu la destruction. Un matin de 1749, la tour Nord s’écroule, ébranlant le reste du bâtiment. Le gouverneur du château, lieutenant pour le roi, propose qu’on démolisse l’ensemble et qu’on construise à la place un édifice plus moderne et plus confortable pour la garnison. Le Donjon sera finalement restauré dès 1751. C’est de cette époque que datent les trois magnifiques voûtes losangées du rez-de-chaussée (dite aujourd’hui salles basses), modèles d’architecture et de stéréotomie.

Prison

A partir du XVIIIe siècle, le Donjon sert de prison. On y envoie des équipages de marins anglais, dont les vaisseaux ont été saisis. Les officiers sont logés dans la salle du premier étage de la tour Sud. Ils n’auront de cesse de graver des inscriptions dans ces murs pour laisser une trace de leur passage. Des travaux de restauration sont lancés en 1820, parallèlement au démantèlement des enceintes du château et des remparts qui enserraient la ville. Classé au titre des monuments historiques en 1840, le Donjon est habité par des familles d’employés de la ville ou utilisé pour abriter les archives départementales. En 1870, le Département laisse la propriété du Donjon à la Ville, mais continue de l’occuper jusqu’au début du XXe siècle.

Musée ethnographique

C’est suite au premier congrès national d’ethnologie organisé en France, qui se tient à Niort en 1896, que le Donjon trouve finalement sa vocation contemporaine. Il abritera le premier musée du costume poitevin.

  •  D’après "Le Donjon à travers les siècles ", article paru dans le magazine Vivre à Niort, n°130, novembre 2002.